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Observer et analyser les processus électoraux au Maroc. Diversité et complémentarité des approches : le cas des élections générales du 8 septembre 2021

SÉMINAIRE DE RECHERCHE DU LABORATOIRE « MÉDIATIONS. SCIENCES DES LIEUX, SCIENCES DES LIENS » EN PARTENARIAT AVEC LE PROJET ERC TARICA (UMR 7533 LADYSS)

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Présentation

Au Maroc, l’ensemble des instances électives ont été renouvelées suite à un enchaînement d’élections de juin à septembre 2021. Cette séquence a débuté par les élections syndicales en juin, puis les élections professionnelles en août, avant la journée exceptionnelle du 8 septembre où se sont tenues les élections au suffrage universel direct : communales, régionales et législatives pour la chambre des représentants. La séquence électorale a ensuite été prolongée par les élections au suffrage indirect que sont les élections provinciales et préfectorales pour s’achever par l’élection de la chambre des conseillers.

Le Maroc apparaît désormais comme une exception régionale étant l’un des rares pays du Nord de l’Afrique à organiser des élections concurrentielles et régulières à de multiples échelles territoriales. Cependant, avec l’effondrement du parti de la justice et du développement après dix années à la tête de coalitions gouvernementales hétéroclites, les résultats électoraux marocains s’inscrivent dans une tendance régionale d’affaiblissement des partis de mouvance islamiste.

Ce séminaire réunira quatre spécialistes issus de disciplines différentes qui ont procédé à une observation détaillée des dernières élections marocaines. Il vise à proposer une discussion élargie sur les méthodes d’observation et d’analyse des processus électoraux. Ce séminaire sera donc l’occasion de croiser les approches entre les méthodes quantitatives et les méthodes qualitatives tout en insistant sur les logiques territoriales mais aussi les dynamiques historiques récentes spécifiques au Maroc.

PROGRAMME

Discutant : Gilles Van Hamme (Université Libre de Bruxelles)

  • 16h. Mot d’ouverture : David Goeury (Médiations – Sorbonne Université) et Alia Gana (PI ERC Tarica – LADYSS).
  • 16h15. David Goeury (Médiations – Sorbonne Université) :

Cartographier la mobilisation électorale au Maroc et ses effets politiques : interroger l’ampleur du désengagement des citoyens urbains
Résumé : Malgré une participation accrue par rapport aux élections précédentes, les élections du 8 septembre 2021 ont été marquées par une profonde divergence entre les grandes métropoles qui ont connu des taux de participation particulièrement faibles et des communes rurales où la participation a été particulièrement élevée. Par conséquent, la victoire des trois partis qui forment l’actuelle coalition gouvernementale s’explique avant tout par leur capacité à mobiliser un électorat rural voire de villes moyennes et par le désengagement des citoyens urbains déçus par les partis de gauche ou de la mouvance islamiste.

  • 16h45. Romain Ferrali (Aix-Marseille School of Economics) et David Goeury (Médiations – Sorbonne Université) :

À quel type de parti profite quel type de scrutin ? Éléments d’analyse quantitative des résultats électoraux des élections communales marocaines de 2015 et de 2021
Résumé : Au Maroc, l’ingénierie électorale a été au cœur des débats pré-électoraux notamment du fait du changement du quotient électoral pour les élections législatives. Une autre modification moins commentée dans les médias a concerné le seuil démographique des villes concernées par le scrutin de liste à la proportionnelle pour les élections communales, qui a été élevé de 35 000 habitants en 2015 à 50 000 en 2021. Ici, nous souhaitons mobiliser l’analyse quantitative pour déterminer quels sont les partis qui bénéficient de ces nouvelles règles électorales. Le scrutin de liste est réputé favorable aux partis programmatiques s’appuyant sur une base militante alors que le scrutin uninominal profiterait aux partis s’appuyant sur les réseaux de notabilité. Nous discuterons cette hypothèse en mettant en perspective les deux derniers scrutins communaux au Maroc de 2015 et de 2021.

  • 17h15. Mounia Bennani-Chraïbi (Institut d’études politiques de l’Université de Lausanne) :

Observer au « microscope » des mobilisations électorales à Casablanca
Résumé : L’examen au « microscope » des métamorphoses du marché électoral passe à travers des analyses localisées et longitudinales. L’étude de mobilisations électorales à Casablanca depuis 2002 a permis d’observer des modalités diversifiées d’appropriation du moment électoral, de même que des tâtonnements et des hybridations.

  • 18h00. Olivier Deau (LADYSS – ERC TARICA) :

Quand le hirak va aux urnes : observer la participation électorale du mouvement social de Jerada
Résumé : Le mouvement social « hirak » de Jerada a connu une importante médiatisation au Maroc entre décembre 2017 et mars 2018, quand des manifestations nombreuses ont rassemblé une grande partie des habitants autour de demandes à caractère économique et social. À partir d’une observation longue de trois années au sein d’une équipe de chercheurs en sciences sociales, il est possible de restituer et d’interroger la constitution de ce mouvement, son évolution et le contexte qui a vu une partie de son organisation adopter une stratégie de participation électorale lors des élections locales et nationales du 8 septembre 2021. Cette séquence qu’il est possible de restituer en partie dans l’histoire politique et sociale de la ville de Jerada, permet d’interroger les logiques et concepts de politisation et de dépolitisation à l’œuvre localement en les mettant en lien avec cette séquence électorale. À travers cette présentation nous interrogerons les méthodes, les outils et la temporalité de l’analyse électorale d’une ville moyenne en situation de déprise économique.

  • 18h45-19h45 : Discussion avec le public
  • 19h45 : Conclusion par Alia Gana et David Goeury

BIOGRAPHIE SUCCINTE DES INTERVENANTS

Mounia Bennani-Chraïbi, est professeure en politique comparée à l’Institut d’études politiques de l’Université de Lausanne. Ses recherches portent notamment sur le rapport au politique, les parcours militants, les mouvements sociaux, les partis politiques et les mobilisations électorales. Elle a récemment publié Partis politiques et protestations au Maroc (1934-2020), aux Presses universitaires de Rennes.  https://books.openedition.org/pur/142665 La liste de ses activités et de ses publications est disponible sur le site de l’UNIL : Unisciences_Mounia_Bennani_Chraibi 

Olivier Deau, doctorant en science politique au sein du LADYSS, associé à l’ERC TARICA, ATER en science politique à l’Institut d’Études politiques de Toulouse. Son travail doctoral porte sur les politiques d’insertion économique et sociale des jeunes au Maroc sous la direction d’Alia Gana (CNRS, LADYSS) et de Mohamed Tozy (MESOPOLHIS). Parmi ses récentes publication :
– Goeury David, Deau Olivier, 2020, « La fin des notabilités urbaines ? Opinions, engagements et votes des citoyens urbains marocains. Entre nouvelles formes militantes et désaffiliation politique. Leçons de cinq observatoires urbains », Maghreb-Machrek, 243, p.55-73.
– Goeury David, Deau Olivier, 2019, « Déclin des villes moyennes et conflictualité territoriale au Maroc. Les conséquences d’une pluralisation politique inachevée ? », L’Année du Maghreb 21, pp.193-204. ⟨10.4000/anneemaghreb.5615

Romain Ferrali, est maître de conférences à Aix-Marseille School of Economics. Sa recherche se focalise sur la politique des pays en développement, notamment en Afrique du Nord et Subsaharienne. Pour répondre à ces questions, il utilise un ensemble de méthodes formelles et quantitatives, dont la théorie des jeux, l’inférence causale, l’analyse de réseaux et l’estimation structurale. Il est aussi le directeur scientifique de Tafra, une association à but non-lucratif basée à Rabat (Maroc) dont la mission est d’améliorer la compréhension des institutions marocaines pour participer à la consolidation de l’État de droit au Maroc.
Parmi ses récentes publication :
– Ferrali, R., Grossman, G., Platas, M.R. and Rodden, J. (2021), Who registers? Village Networks, Household Dynamics, and Voter Registration in Rural Uganda, Comparative Political Science (à paraître).
– Romain Ferrali, Partners in crime? Corruption as a criminal network, Games and Economic Behavior, Volume 124, 2020.
– Ferrali, R., Grossman, G., Platas, M.R. and Rodden, J. (2020), It Takes a Village: Peer Effects and Externalities in Technology Adoption. American Journal of Political Science, 64: 536-553. https://doi.org/10.1111/ajps.12471

David Goeury, est enseignant chercheur en géographie au sein du laboratoire « Médiations. Sciences des lieux, sciences des liens » de Sorbonne-Université. Il développe une géographie des parties prenantes dans les pays à revenus limités à travers des observatoires localisés pour interroger les dynamiques de projet. Membre du programme ERC Tarica, il suit les transformations politiques et économiques du Maroc. Parallèlement, il mène un important travail de cartographie électorale des élections marocaines comme chercheur associé au sein de l’association Tafra. Parmi ses récentes publication :
– Van Hamme Gilles, Goeury David, Ben Rebah Maher, 2020, « Une analyse comparative des territorialités du vote au Maroc et en Tunisie : trajectoires politiques et électorales », Maghreb-Machrek, 243, p.9-37.
– Goeury David, Deau Olivier, 2020, « La fin des notabilités urbaines ? Opinions, engagements et votes des citoyens urbains marocains. Entre nouvelles formes militantes et désaffiliation politique. Leçons de cinq observatoires urbains », Maghreb-Machrek, 243, p.55-73.
– Goeury David, Deau Olivier, 2019, « Déclin des villes moyennes et conflictualité territoriale au Maroc. Les conséquences d’une pluralisation politique inachevée ? », L’Année du Maghreb 21, pp.193-204. ⟨10.4000/anneemaghreb.5615

Gilles Van Hamme,  est professeur de géographie économique et de géographie politique à l’Université Libre de Bruxelles. Ses travaux récents en géographie économique portent en sur les dynamiques du système-monde, en particulier à travers l’étude du commerce international. Spécialiste de géographie électorale ses travaux ont notamment porté sur l’impact des formes d’encadrement social sur le vote en Belgique et en Europe, ainsi que sur les comportements électoraux en Afrique du Nord. Il a notamment publié avec Alia Gana en 2016 l’ouvrage :  Élections et territoires en Tunisie. Enseignements des scrutins post-révolution (2011-2014), Paris, Karthala, 235 p. et un dossier de revue intitulé : Les bouleversements politiques en Afrique du Nord au prisme de l’analyse électorale, Maghreb-Machrek, 2020/1 (N° 243) qui, en combinant des approches de géographie et de sociologie électorales, donnent un éclairage sur les dynamiques sociales et politiques de la Tunisie post-Ben Ali.

Alia Gana, est directrice de recherche CNRS à l’UMR (7533) LADYSS – Université Paris 1 Panthéon- Sorbonne. Ses recherches explorent les liens entre développement, territoires et démocratie, à la lumière des bouleversements politiques en Afrique du Nord. Elle est lauréate du programme « Advanced Grants » du Conseil européen de la recherche pour le projet TARICA « Changements politiques et socio-institutionnels en Afrique du Nord : Confrontation des modèles et diversité des trajectoires. Parmi ces publications récentes :
– GANA Alia, AÏT-AOUDIA Myriam, 2020, Les partis islamistes ont-ils vraiment changé, L’Année du Maghreb, 22|2020.