Alors que, partout dans le monde, les crises semblent se multiplier et se combiner en touchant un nombre croissant de dimensions de la vie urbaine (sanitaire, environnementale, sociale, géopolitique, etc.), les sciences sociales se sont efforcées de contribuer à la compréhension de ces processus en étudiant leurs formes, leurs mécanismes, leurs acteurs et leurs rapports de pouvoir dans différents espaces, à différentes échelles spatiales et temporelles et pour différents groupes sociaux.
Parce que les villes nord-américaines sont des espaces où ces crises urbaines sont particulièrement visibles, le réseau Études Urbaines Nord-Américaines (EUNA) a participé à cette tendance en organisant plusieurs colloques interdisciplinaires ces dernières années sur les thèmes des « inégalités » (2017), des villes nord-américaines sous « l’ère Trump » (2020)1, ou des « crises » (2021).
Cependant, aux États-Unis en particulier, les crises semblent avoir aussi révélé la persistance de manifestations de l’espoir dans les villes, à travers le développement d’une multitude d’initiatives locales visant à améliorer le sort des habitants les plus vulnérables, ou l’émergence de réflexions plus radicales proposant une transformation systémique pour éradiquer toutes les formes d’inégalités et d’injustices.
C’est sur ces expressions urbaines de l’espoir que se concentre ce dossier, construit à partir d’un colloque organisé par le réseau EUNA le 30 juin 2023 à l’université Paris Nanterre2, en interrogeant les manières dont les villes aux États-Unis constituent aussi, parfois, des « cities of hope ».
Les sept articles du dossier présenté dans ce numéro proposent une première exploration de ces enjeux. Un premier ensemble d’articles (Gilli ;Harakat ; Sanders) explore d’abord les conditions, les mécanismes, les acteur·ices, les rapports de force et les limites de plusieurs politiques d’espoir visant à lutter contre différentes formes d’injustice (ségrégation scolaire, violence contre les Asiatiques) dans plusieurs grandes métropoles (Washington, Boston et Portland) à différents moments de l’histoire (années 1950, années 1970, et aujourd’hui). Puis les deux articles suivants (Raulin ;Schemschat) étudient les processus de construction (et leurs limites) de petites villes comme « espaces refuges » porteuses d’une forme d’espoir ou de rêve américain (DeKalb County en Géorgie, et Akron City dans l’Ohio) pour différentes populations (classe moyenne noire, populations immigrées de différentes origines) et leur articulation avec les dynamiques de revitalisation urbaine et économique. Alors que toutes ces contributions suggèrent la centralité de la question raciale dans ces efforts d’urbanisation de l’espoir, l’entretien de Robin D.G. Kelley avec Charlotte Recoquillon met en lumière la place centrale de l’espoir dans le déploiement des mouvements pour la justice raciale, depuis les mouvements des droits civiques jusqu’à Black Lives Matter. Enfin, le dernier article (Washington-Ottombre et al.) souligne la dimension spécifiquement environnementale de certaines politiques de l’espoir, à partir du cas du Massachusetts et sa politique de soutien à l’adaptation des villes petites et moyennes au changement climatique.
Ensemble, ces contributions esquissent un panorama des formes que prend l’espoir dans les villes aux États-Unis, et espèrent inspirer d’autres travaux pour prolonger et compléter ce dossier.