Selma MIHOUBI est enseignante et docteure en Géographie politique, culturelle et historique au sein du laboratoire Médiations – Sciences des lieux, sciences des liens de Sorbonne Université.
Elle y a réalisé sa thèse sous la direction du professeur Philippe Boulanger.
Titre de la thèse (soutenue le 5 juin 2020) : Géopolitique des médias chinois en Afrique de l’Ouest
Ses travaux portent en particulier sur les stratégies d’influence médiatiques en Afrique de l’Ouest et notamment sur les enjeux de l’implantation de Radio Chine Internationale dans la région.
Résumé : Cette thèse s’articule autour de la compréhension des enjeux géopolitiques de l’implantation de Radio Chine Internationale (RCI) en Afrique de l’Ouest (2010-2019). Elle se concentre sur un aspect plutôt méconnu de la présence chinoise dans cette région, à savoir, l’influence médiatique, et ces conséquences sur les stratégies d’autres radios internationales concurrentes[1]. Ce travail s’appuie sur des enquêtes de terrain et une méthodologie propre à la Géopolitique des médias (développée par le Professeur Philippe Boulanger).
La thèse met en exergue l’instrumentalisation diplomatique de RCI au service de l’influence du pouvoir de Pékin en Afrique de l’Ouest. Les contenus étudiés démontrent le paradoxe du Soft power chinois : prônant la non-ingérence de RCIdans les affaires politiques locales, les autorités utilisent pourtant leur radio internationale pour diffuser des contenus défendant les gouvernements partenaires, décrédibilisant ou occultant les activités de mouvements d’opposition politique et véhiculant des programmes teintés de l’idéologie politique chinoise.
Qu’il s’agisse de la France, du Royaume-Uni ou de la Chine, les États utilisent les radios internationales pour exprimer des rivalités de pouvoir via la diffusion de représentations concurrentes. Dans ce contexte, l’implantation de RCI en Afrique de l’Ouest a déstabilisé, dans une certaine mesure, les radios internationales européennes (RFI, BBC). Celles-ci ont du revoir leurs stratégies d’influence dans la région, mais elles n’ont pas perdu leur domination en terme d’audience.
L’influence médiatique chinoise connait effectivement plusieurs limites. Contrairement aux discours politiques de la Chine, RCI ne participe pas au développement des médias locaux, mais entretient plutôt leur dépendance envers les radios internationales. De plus, le renforcement du nationalisme chinois entrave le succès de RCI, dont les contenus sont strictement contrôlés par des agents du pouvoir en place.
Malgré des divergences idéologiques, les trois radios internationales étudiées ont des stratégies d’implantation comparables : installation dans des zones urbaines, ancrage territorial, utilisation de langues locales, promotion de leurs nations. En ce sens, les enjeux de l’implantation de RCI en Afrique de l’Ouest consistent principalement à concurrencer et à contrer les représentations peu favorables diffusées par RFI ou BBC au sujet de la puissance chinoise, et à imposer ses propres récits concernant les relations sino-africaines dans les flux d’informations internationaux.
[1] Radio France Internationale (RFI) et British Broadcasting Corporation (BBC).