L’axe « Identifications et sociabilités : faire ensemble, espaces, échelles et temporalités » souhaite partir des lieux et des espaces pour interroger la construction de liens entre individus autour de la mise en avant de caractéristiques partagées et l’aptitude de ces mêmes individus à vivre en société.. Les sociabilités ne se réduisent pas à de simples interactions ou à de simples jeux d’acteurs désincarnés. Elles s’articulent comme l’a démontré Arjun Appaduraï à des lieux concrets, à même d’assurer un ancrage à des espaces réels ou virtuels au sein desquels le déploiement de liens à différentes échelles est possible. Elles nourrissent des dynamiques d’identification à des lieux, des objets, des individus jouant le rôle d’étendards à des collectifs plus ou moins ouverts qui peuvent être hiérarchisés ou réticulaires.
Le couple identification et sociabilités a été largement analysé à travers les rapports de pouvoir sur des territoires et la construction d’iconographies territoriales.
L’axe souhaite s’intéresser au FAIRE ENSEMBLE et au VIVRE ENSEMBLE. Elle questionne à la fois ce qui relève de la performance (mise en scène du collectif dans l’espace) autour de moments forts mais aussi ce qui est plus ténu et nourrit un quotidien autour de pratiques.
Le terme « identification » permet de se saisir du débat fixité versus fluidité des identités, tout en acceptant la multiplicité et la superposition des registres identitaires. Il prend au sérieux les questions d’instrumentalisations et de réaffirmations identitaires visant à contrôler les sociabilités des individus, tout en souhaitant interroger d’autres logiques moins publicisées mais toutes aussi fortes.
Les questionnements scientifiques communs de cette axe se traduisent en différents horizons de recherche :
Le couple identifications et sociabilités est souvent l’objet de manipulation par des acteurs désireux d’exercer un monopole communautaire visant à faire correspondre un collectif fermé avec des pratiques et un territoire. Même dans le cadre singulier de la fête, sociabilité très codifiée dans le temps et l’espace, les travaux démontrent qu’il n’existe aucune sociabilité automatique mais des compositions complexes articulant différents registres. Départie de ce phantasme d’unicité, l’axe interroge les jeux normatifs sous-jacents aux sociabilités dans leur dimension spatiale.
La sociabilité interroge le lien entre l’individuel et le collectif et l’étude relationnelle de l’espace invite à dépasser le prisme exclusivement territorial. La thématique « identifications et sociabilités » invite précisément à ne pas étudier l’espace déjà-là, constitué en territoire, mais bien à voir toutes les formes de construction spatiale, tous les processus et tous les jeux avec les spatialités (faire l’espace, faire dans l’espace, faire avec l’espace). En effet, les dimensions spatiales des sociabilités s’avèrent particulièrement riches : à la plus évidente qui est la coprésence dans un lieu (sociabilité de la pratique collective) s’articule la sociabilité désynchronisée par la fréquentation d’un même réseau de lieux par la reproduction de pratiques identiques, mais aussi la sociabilité réticulée par la mobilisation de mêmes référentiels territoriaux notamment dans les contextes diasporiques. La prégnance des internets et des réseaux sociaux vient complexifier en dotant les individus d’une projection continue dans de multiples lieux faisant passer du régime de double absence à celui des présences multiples et venant fortement renouveler le débat sur la participation effective à ce qu’est la vie en société.
L’axe étudie les processus spatiaux de constitution, de formation, de changement des formes de sociabilités et comment ces processus spatiaux génèrent des dynamiques d’identification, à travers un processus normatif intégré par les individus concernés. Ainsi, le couple sociabilité/normes sera interrogé dans sa dimension spatiale. Les normes comme convention favorisant les sociabilités sont aussi à même de contraindre les sociabilités, de nourrir des processus d’injonction identitaire, de prescrire des usages spatiaux et d’en proscrire d’autres. Il apparaît alors une variété de processus spatiaux à analyser (concentration, polarisation, fronts, ancrages, circulations, diffusions, transformations, …) mais aussi de dispositifs spatiaux (lieux, territoires, réseaux, rhizomes, horizons) tout en insistant sur la question des temporalités qui peuvent s’avérer longues et pérennes mais aussi fulgurantes et évanescentes.
La focale de la patrimonialisation apparaît particulièrement intéressante pour questionner la temporalité de l’héritage et du poids du legs dans les processus d’identification et d’organisation des sociabilités. Le patrimoine est désormais labellisé par des outils de MÉDIATION qui articulent identification des collectifs héritiers et nouvelles sociabilités ouvertes à l’étranger notamment à travers les processus de mise en tourisme. La patrimonialisation apparaît alors comme un puissant outil d’aménagement de nouvelles logiques spatiales aux répercussions souvent complexes sur les processus d’identifications et les sociabilités pouvant tout à la fois être désirée comme être rejetée.
Enfin, méthodologiquement, il s’agira de construire des analyses au-delà des catégories pré établies de l’identité (classe, race, genre) qui impose des sociabilités pour réfléchir très finement aux multiples seuils qui sont spatialement mis en œuvre pour exclure certaines catégories.