Catherine Fournet-Guérin a participé à l’émission de France Culture, « Entendez-vous l’éco », consacrée à Madagascar, mercredi 29 mai de 14 à 15h.

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Comment expliquer la récession économique continue que connaît Madagascar depuis soixante ans, malgré les nombreuses aménités de l’île et de la région ?

  • Catherine Fournet-Guerin Géographe, professeure de géographie à Sorbonne Université, membre du laboratoire Médiations
  • Jean-Michel Wachsberger Sociologue, maître de conférences en sociologie à l’université de Lille, spécialiste de Madagascar

Entre 1960 et 2020, le revenu par habitant de Madagascar a diminué de 45 %. L’île rouge est aujourd’hui l’un des pays les plus pauvres au monde : trois quarts de ses habitants y vivent avec moins de deux dollars par jour, selon la Banque mondiale.

Située au sud-est de l’Afrique australe, l’île concentre des richesses convoitées – du saphir au nickel en passant par la vanille. Elle n’en finit pourtant pas de connaître la récession depuis son indépendance, il y a plus de soixante ans, chacune de ses périodes de croissance ayant été suivie de crises socio-politiques importantes.

Marquée par une pauvreté endémique, très exposée aux risques climatiques, Madagascar connaît depuis 2021 l’une des pires famines de son histoire, qui a fait plus d’un million de victimes dans le sud du pays. Jean-Michel Wachsberger nous rappelle que « cette famine est emblématique des difficultés anciennes de l’île, notamment dans les zones rurales. En juin 2021, le sud de Madagascar a été frappé par sa pire sécheresse depuis une quarantaine d’années, avec une absence de l’État sur le terrain. Les conséquences ont été terribles pour les populations locales et il y a plus d’un million de victimes. Les Nations Unies ont désigné cette famine comme étant la première “famine climatique”« . 1500 nouveaux cas de lèpre y sont également dépistés chaque année. Pensée pour accueillir une population de 500 000 personnes, Tananarive, sa capitale, accueille aujourd’hui plus de trois millions d’habitants dont plus de 70 % d’entre eux vivent dans l’extrême pauvreté. Catherine Fournet-Guerin ajoute « la société malgache est fondée sur une vision très hiérarchique, avec un système de castes. C’est une forme de société d’Ancien Régime, qui n’incite pas à l’investissement. La pauvreté est perçue par les élites comme une volonté divine. Les élites s’enrichissent grâce à leurs affaires et à la corruption. Le peuple ne compte pas. Ce qui règne, c’est la résignation. La société a toujours été ainsi et le sera toujours : voilà ce que pensent les élites. Cette domination sociale extrême se lit notamment dans le système de domesticité. Tout le monde a ses domestiques. On trouve notamment beaucoup de jeunes garçons et jeunes filles de ferme peu ou pas payés. Et puis également toute une élite indienne, à la tête des entreprises du pays« .

Face au chômage, à l’absence de l’État et à l’omniprésence d’un système élitaire freinant tout esprit d’initiative, l’essentiel de l’activité économique sur l’île prend la forme d’échanges informels. Mais jusqu’à quand les Malgaches pourront-ils supporter un tel appauvrissement ?

Cultures Monde
58 min

Pour aller plus loin

  • Jean-Michel Wachsberger, Mireille Razafindrakoto et François Roubaud : L’énigme et le paradoxe. Économie politique de Madagascar (IRD Éditions/AFD, 2017)
  • Jean-Michel Wachsberger : “Le peuple des élites. Représentations élitaires et ordre moral à Madagascar”, revue Participation, 2023/3, n°37
  • Catherine Fournet-Guerin : Vivre à Tananarive. Géographie du changement dans la capitale malgache (Karthala, 2007)
  • Catherine Fournet-Guérin : L’Afrique cosmopolite. Circulations internationales et sociabilités citadines (Presses Universitaires de Rennes, 2017)
LSD, La série documentaire
54 min

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